Montmagny, le 21 mars 2019— Le budget 2019-2020 dévoilé par le gouvernement du Québec prévoit 47,6 millions de dollars sur trois ans (38 millions $ en 2020-2021) pour le projet d’extension du réseau de distribution de gaz naturel jusqu’à Montmagny. Pour Montmagny en transition, cette injection de fonds publics dans un projet d’hydrocarbures fossiles est indéfendable alors que l’urgence climatique commande la fin du développement pétrolier et gazier dès maintenant et la neutralité carbone en 2050.

Le 14 février dernier, des membres du Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et des enjeux énergétiques au Québec écrivaient dans Le Devoir[1]: « S’il devait décider aujourd’hui de s’enfermer dans des scénarios énergétiques insoutenables, dont témoigne entre autres la fausse bonne idée d’une transition énergétique par le gaz naturel fossile, le Québec deviendrait un contre-exemple international de ce qu’exige une gestion politique planifiée, moderne et responsable de lutte contre les changements climatiques. » En continuité avec le gouvernement précédent, c’est la voie dans laquelle le gouvernement Legault semble vouloir enfermer le Québec.

On le voit, la page blanche de la CAQ en environnement n’aura pas permis de remettre en question le penchant libéral pour le gaz naturel fossile, une source d’énergie émettrice de gaz à effet de serre, subventionnée, qui concurrence l’hydroélectricité, une énergie renouvelable que nous avons pourtant en surplus. « S’il est vrai que les procédés de quelques entreprises exigent l’apport de gaz naturel, qu’on dirige vers elles les petits volumes de gaz naturel renouvelable qu’il sera possible de produire, déclare Denise Laprise, la porte-parole de Montmagny en transition. Quant aux autres, l’électricité ou la biomasse forestières répondent parfaitement à leurs besoins. Et surtout, qu’on n’essaie pas de nous faire croire que le tuyau d’Énergir servira un jour à transporter des quantités importantes de gaz naturel renouvelable : c’est totalement irréaliste. »

Si, après les 100 premiers jours de son gouvernement, François Legault a dit ne pas gouverner « pour les lobbys, ni pour le patronat, ni pour les syndicats », force est de constater que les 136 lobbyistes d’Énergir qui figurent au Registre des lobbyistes du Québec ont réussi à se faire entendre. Et pas seulement au gouvernement. Le mandat numéro 772 a pour objet de « sensibiliser » les interlocuteurs municipaux et gouvernementaux aux projets de prolongement ou de modifications du réseau gazier, à obtenir un soutien financier gouvernemental ou les approbations requises afin de prolonger ce réseau. Le message a bien été enregistré par les élus municipaux de Montmagny et les dirigeants de la MRC, qui reprennent les lignes de communication d’Énergir sans aucun sens critique, font la promotion du gazoduc sans avoir pris le temps de consulter d’autres sources d’information que celles du promoteur, et sans considérer l’opinion de la population.

« La MRC de Montmagny a refusé de tenir une séance d’information sur le projet de gazoduc, rappelle Denise Laprise. Aucune information n’a filtré, la population est tenue à l’écart depuis l’annonce du projet. Pour notre part, nous considérons que ces millions prévus au budget devraient servir à la transition énergétique de la région et non à l’approvisionnement en gaz naturel, quand on sait que des solutions de rechange existent pour la très grande majorité des besoins, sans aggraver la crise climatique. »

Un vaste consensus social et scientifique existe au Québec à l’effet que l’action climatique doit être la priorité de tous les paliers de gouvernements, et que les décisions doivent reposer sur l’atteinte de nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Il n’y a aucune acceptabilité sociale pour des projets d’investissement dans des énergies fossiles, où que ce soit, bien au contraire. « Notre gouvernement vient de faire un réel faux-pas en réservant ce budget pour un projet d’extension du réseau d’Énergir, mais il n’est pas trop tard pour entendre la population et orienter les fonds publics pour la transition rapide et urgente vers l’économie d’énergie et les énergies renouvelables », espère Denise Laprise. « Notre députée Marie-Eve Proulx, qui est aussi ministre déléguée au Développement économique régional, a la responsabilité de penser à nos jeunes qui devront vivre avec nos mauvaises décisions, comme celle de reporter d’au moins trente ans la transition énergétique. »

 


[1]  Le non-sens d’utiliser le gaz naturel comme énergie de transition au QuébecSimon-Philippe Breton, Louis-Étienne Boudreault, Bernard Saulnier et Lucie Sauvé, membres du Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et des enjeux énergétiques au Québec, Le Devoir14 février 2019.